Cession des actions de la SG Guinée et Agrément des dirigeants des banques primaires : Question de politique ethnique ?
Le dossier de cession des actions de la Société Générale Guinée (SG Guinée) par le groupe bancaire français Société Générale semblait avancer à grands pas ces derniers jours. Selon des sources locales, une annonce de dénouement était imminente. Mais un Conseil d'Administration extraordinaire qui avait été prévu le 1er août pour statuer sur le sujet, a été brusquement annulé. Cela serait-il dû à la non prise en compte des intentions attribuées à la Bank of Kigali de reprendre les actifs de la Société Générale Guinée ?
Quatre postulants en course
Quatre postulants officiels se disputent la cession : ACCESS BANK (Nigeria), AFG (Côte d’Ivoire), SUNU (Sénégal) et NSIA (Côte d’Ivoire). Parmi eux, les trois premiers ont fait des offres plus intéressantes, mais SUNU et AFG semblent se détacher. Des indiscrétions révèlent que le groupe Société Générale et son serait plutôt favorable à AFG, dont les dirigeants sont en grande partie d’anciens collaborateurs de la Société Générale.
SUNU, un candidat de poids
Selon des sources locales, le groupe SUNU, déjà présent en Guinée dans le secteur de l’assurance, s'est associé avec le groupe industriel SONOCO. Ensemble, ils comptent des milliers d’emplois directs et indirects en Guinée. L’offre de SUNU est jugée plus avantageuse pour la banque elle-même, lui permettant de rester le leader sur le marché bancaire avec des actionnaires locaux à l’horizon.
Contexte historique et place de la SG Guinée dans l’économie guinéenne
Créée en 1985, la Société Générale Guinée est l’une des premières banques privées installées en Guinée. Selon la communication de la banque, elle dispose de 54 distributeurs automatiques de billets, de 24 agences réparties sur tout le territoire et gère un portefeuille de 106 000 clients locaux et internationaux. En Guinée, la Société Générale a lancé le concept de la Maison de la PME pour accompagner les dirigeants de PME.
En juillet 2022, Proparco, représentant l’Agence française de développement (AFD), a signé un partenariat avec la Société Générale Guinée dans le cadre du programme EURIZ. Ce programme est soutenu par le Fonds européen de développement durable (FEDD) de l’Union européenne (UE) et l’Organisation des États Africains, des Caraïbes et du Pacifique (OACP), vise à faciliter l’accès au crédit pour les TPE/PME mal desservies.
Question de politique ethnique ?
Depuis 1985, les familles Hann et Baldé détiennent 42 % de la Société Générale Guinée, aidées par le régime du Général Lansana Conté. Dans d'autres pays comme le Maroc, le Bénin, le Congo, et la Côte d'Ivoire, les gouvernements œuvrent pour que les locaux récupèrent les filiales cédées par le groupe bancaire français. Cependant, en Guinée, le Gouverneur Karamo Kaba semble réticent à ce que certains actionnaires potentiels soient retenus. Cette question suscite des discussions parmi les parties prenantes intéressées.
Le mécontentement des dirigeants des banques de Guinée envers le Gouverneur de la Banque Centrale
Le 2 août 2024, l’Association Professionnelle des Établissements de Crédit de Guinée a adressé au Gouverneur de la Banque Centrale une série de préoccupations relatives à la nouvelle instruction sur l’agrément des dirigeants de banques en Guinée, contenues dans le courrier d’instruction N°141/DGSIF/DSB du 9 juillet 2024. Cette instruction porte sur la liste des pièces constitutives du dossier de demande d’agrément des établissements de crédit de la catégorie « Banque », « Établissement Financier » ou « Institution Financière Spécialisée », des dirigeants et des commissaires aux comptes, notamment le point 2 selon lequel les banques doivent « donner l'égalité de chance à tous les Guinéens d'occuper les fonctions de dirigeants dans les établissements de crédit (article 3 de la section II) ».
Réunis en Assemblée Générale extraordinaire le 1er août, les dirigeants des banques de Guinée ont échangé sur les dispositions de cette nouvelle instruction. Au terme des délibérations, il est apparu que les dispositions de cette instruction relatives aux critères de « genre » et de « diversité » sont susceptibles « non seulement d’induire des conséquences contraires à l’objectif visé, mais aussi d’introduire des interprétations pouvant aller à l’encontre de la bonne gouvernance ».
Les dirigeants des banques de Guinée ont rappelé au Gouverneur Kaba, par courrier portant la référence N°35/APB/SMC/AM/ASB du 2 août 2024, que les critères susmentionnés sont contraires aux dispositions de l'article 21 de la Charte de la Transition, qui reconnaît que « nul ne peut être lésé dans son emploi en raison de son origine, de sa religion, de son sexe ou de ses opinions » et de l’article 24 qui promeut la liberté d’entreprise.
Les dirigeants des banques de Guinée insistent sur le fait que « les banques commerciales, en tant qu’entreprises privées, sont libres de choisir les dirigeants qui leur conviennent conformément à l’article 24 de la Charte de la Transition ». Par conséquent, l’Association Professionnelle des Établissements de Crédit de Guinée exprime « sa crainte quant à la notion subjective que l’application de cette instruction pourrait engendrer ». Par conséquent, l’APB sollicite la révision de cette instruction sans mention des critères de « genre » et de « diversité ».
Le dénouement de ce dossier crucial pour l’économie guinéenne est attendu avec impatience. Il reste à voir quel postulant l’emportera et quelles seront les répercussions pour l’avenir économique et social du pays.