Patrimoine de l’État et investissements publics : Un chat n’y retrouverait pas ses petits
Évaluer le patrimoine de l’État constitue un véritable casse-tête chinois. Et des experts du Fonds Monétaire International (Fmi) l’ont appris à leurs dépens, lorsqu’en 2018, ils avaient été commis par le gouvernement guinéen à procéder à une évaluation des investissements publics. Dans son rapport publié à cet effet, le Fonds aurait relevé que la Gestion des Investissements Publics en Guinée était peu efficiente. Le manque d’harmonisation entre les plans de passation des marchés et les délais de paiement, ainsi que les difficultés à évaluer le patrimoine public sont, entre autres, insuffisances relevées dans ce rapport, qui en dit long sur l’incurie de nos dirigeants. Mais comme à l’accoutumée, le Fonds ne se contente pas que de mettre le doigt sur la plaie, l’institution propose dans la même foulée, des pistes de solutions pour remettre nos entreprises publiques à flot. Dossier d’enquête de LePetitDéputé.
Le rapport de la première revue annuelle de septembre 2017, des établissements publics administratifs de l’État, a permis d’établir que les EPA sont des piliers du Plan National de Développement Économique et Social (PNDES). Et c’est pour affirmer cette tutelle financière des EPA en phase de transformation, que le ministère du Budget avait organisé du 4 au 6 septembre 2017, cette première revue des EPA qui a permis d’identifier une pléthore de plus de 150 établissements publics administratifs de l’État, dont seulement 13 sur 72 avaient effectivement des responsables statutaires en postes.
D’une reforme à l’autre, on en est arrivé à ce que la Direction Nationale du Patrimoine de l’État et des investissements Privés, qui est sous l’autorité du Ministre en charge de l’Économie et des Finances, qui gère la politique du gouvernement en matière de gestion du patrimoine dans huit établissements publics à caractère Industriel et Commercial (EPIC), qui sont en cours de transformation juridique en SP ou en EPA. Ceux-ci évoluent dans les secteurs des transports, du tourisme, de l’habitat, de la santé et de l’industrie.
La direction la Direction Nationale du Patrimoine de l’État et des investissements Privés a aussi autorisé sur les 28 Sociétés publiques (SP), constituées essentiellement d’entreprises publiques dont le capital est détenu à 100% par l’État.
Celles-ci évoluent dans les secteurs de l’hydraulique, de l’énergie, des mines, des télécommunications, des transports, de l’Agriculture et de l’Habitat.
Mais aussi dans le portefeuille du patrimoine de l’État, on décompte huit sociétés mixtes (SM) qui sont celles dont le capital est détenu au moins à 50% par l’État. Elles évoluent dans les secteurs de l’agriculture, des mines, des transports, des télécommunications et de l’habitat. Dans le portefeuille du patrimoine guinéen, il y a aussi les sociétés à participation publique (SAPP) qui sont celles dans lesquelles l’État a une participation minoritaire parfois moins de la minorité de blocage. Elles sont au nombre de 24, évoluant dans les secteurs des banques, assurances, du commerce, de l’industrie, des mines, du tourisme, des transports, des télécommunications et de la pêche.
En réponse à la demande des autorités guinéennes, une mission menée par le Département des finances publiques (FAD) du Fonds Monétaire International (FMI) et comprenant les représentants de la Banque Mondiale (BM), a séjourné à Conakry du 3 au 17 mai 2018, afin de procéder à l’évaluation de la gestion des investissements publics, suivant la méthodologie révisée d’avril 2018 PIMA (Public Investment Management Assessment).
En mars 2019, le FMI a rendu son rapport n°19/82 portant évaluation de la gestion des investissements publics qui a abouti à l’observation comme quoi la Gestion des Investissements Publics en Guinée est peu efficiente si on la compare à certains de ses pairs.L’écart d’efficience de la Guinée, calculé relativement à la frontière d’efficience déterminée par les pays les plus performants s’élève à environ 50 %. Cet écart est plus important que l’écart moyen d’efficience qui est de 40 % pour les pays de l’ASS (Afrique Sub-saharienne) et d’environ 30 % pour l’ensemble des pays du monde.
Sur la planification et affectation des ressources, la Guinée a récemment signé une vingtaine de contrats PPP (Partenariat public privé) par entente directe alors que leur encadrement institutionnel n’est pas finalisé. Ce qui constitue des sources de risques financiers potentiels qui, par ailleurs, ne sont pas évalués. La plupart des grands projets financés sur ressources propres dans les budgets 2017 et 2018 n’ont pas fait l’objet d’évaluations économiques et financières, et leur sélection n’est pas rigoureuse, affaiblissant ainsi leur qualité.
La procédure de fixation des plafonds annuels/pluriannuels des dépenses en capital par ministère n’est pas effective, fragilisant ainsi leur bonne priorisation. A cela s’ajoute la tenue séparée des conférences budgétaires entre les budgets de fonctionnement et les budgets d’investissement, source d’anomalies dans les classifications des dépenses. Les dépenses d’investissement sont insuffisamment protégées durant l’exécution du budget. On en vient à suggérer que le financement des projets en cours peut discontinuer au profit des projets nouveaux. Le budget fournit un cadre pour enregistrer les dépenses d'entretien, mais il n'existe pas de méthodologie standard pour estimer et programmer ces dépenses, entrainant leur sous- budgétisation, et in fine la dégradation des actifs.
Le rapport du FMI note en plus que les plans de passation des marchés et de gestion de la trésorerie sont insuffisamment harmonisés, et aucun délai n’est fixé pour le paiement effectif des dépenses à la Banque centrale de la République de Guinée, entrainant des retards de paiements et ralentissant l’exécution des projets.
La règlementation est insuffisante pour un suivi efficace et un examen ex-post des projets financés sur ressources propres de l’État, mais permet des transferts de crédits qui sont opérés entre projets. La gestion de l’exécution des projets fait l’objet d’ajustements qui ne sont pas standardisés et l’audit ex post des grands projets d’investissement (y compris pour certains projets financés par les PTFs) n’est pas effectif.
Le Fonds s’est heurté à un patrimoine de l’État Le rapport du FMI précise que la connaissance du patrimoine de l’État est difficile, faute d’un cadre normatif détaillé et opérationnel non finalisé. Les registres d’actifs ne sont pas exhaustifs, les états financiers ne font apparaître ni la valeur des actifs non financiers, ni l’amortissement des immobilisations.
Le rapport du FMI précise que la connaissance du patrimoine de l’État est difficile, faute d’un cadre normatif détaillé et opérationnel non finalisé. Les registres d’actifs ne sont pas exhaustifs, les états financiers ne font apparaître ni la valeur des actifs non financiers, ni l’amortissement des immobilisations.
Selon les examinateurs, si la Guinée tient à tirer des bénéfices plus importants du niveau croissant de ses dépenses en capital, les autorités doivent s’employer à corriger les faiblesses de la Gestion des Investissements Publics et en améliorer l’efficience. A cet effet, il est impératif de renforcer le cadre normatif et procédural des PPPs. En particulier il conviendrait de plafonner les engagements explicites des PPP et ouvrir à la concurrence les offres spontanées. Mettre en place un processus d’expertise et de validation des études, renforcer les critères de sélection.
A cet effet, il conviendrait à court terme de (1) mettre au point des critères rigoureux pour la sélection et la hiérarchisation des projets ; et (2) cesser d’inclure dans le budget des propositions de projet non accompagnées d’études de faisabilité à compter du projet de loi de finances pour 2020.
Il faudra ensuite renforcer la budgétisation de l’investissement et le financement des activités d’entretien et de maintenance. Il conviendrait d’appliquer en particulier les autorisations pluriannuelles pour les dépenses d’investissement et tenir des conférences budgétaires uniques pour les budgets de fonctionnement et d’investissement à compter du projet de loi de finances 2020.
Il y a d’abord l’amélioration de la disponibilité du financement des investissements, à travers une harmonisation des plans de passation des marchés et de gestion de la trésorerie (y compris le compte unique du trésor (CUT) et une fixation des délais de paiement par la BCRG. Mais surtout l’opérationnalisation du dispositif de suivi, de gestion et d’examen ex post des projets d’investissements.
À court terme, les réformes qui s’imposent consisteraient à (1) faire immédiatement le point sur tous les projets en cours depuis au moins 10 ans, avant d’en poursuivre le financement dans la loi
de finances pour 2020 ; (2) préparer un rapport semestriel/annuel physico-financier consolidé de mise en œuvre des grands projets ; et (3) préparer et examiner systématiquement les rapports d’achèvement des grands projets.
Renforcer le suivi des actifs publics, en poursuivant les travaux d’actualisation en cours du registre des biens immobiliers de l’État et en opérationnalisant, dans des fiches techniques, le recueil des normes comptables de l’État, afin de préparer la valorisation des actifs. Les recommandations ci dessus développées et des actions associées du plan d’actions détaillé se rapportant à la budgétisation, la gestion de la trésorerie et la comptabilité publique ont vocation à alimenter le plan d’actions 2019-22 de la GFP que les autorités envisagent de préparer sur la base des résultats du rapport final PEFA (Public expenditure and financial acountability).