Attaque aux produits toxiques contre 500 pêcheurs et militaires en Guinée : La Défense Française et le Pentagone américain à la rescousse de Conakry

Pour la traque des pollueurs marins, les Armées Guinéenne, Américaine et Française conjuguent leurs efforts pour protéger les Guinéens contre le déversement des produits toxiques ayant entraîné des brûlures des civiles et militaires. En effet, c’est dans ce sens qu’un aéronef de l’Armée Guinéenne ULM Tetras, le Beachcraft King Air 200 des États-Unis et le Falcon 50 de l’Armée française réalisent des missions de survol aérien de la zone maritime Guinéenne.  

Suite donc à cette pollution marine constatée depuis avril 2023 (https://www.lepetitdepute.com/details-article/eruption-cutanee-chez-des-pecheurs-guineens-des-compagnies-minieres-suspectees) , un rapport d’étape sur la gestion de la crise sanitaire chez les pêcheurs artisans, a identifié dans les différentes structures de santé, plus de 500 pêcheurs et militaires, tous victimes d’éruptions cutanées « sur leurs lèvres et certains sur les parties intimes ».  
La commission interministérielle de gestion de cette crise sanitaire constate que dès le début, tous ces malades avaient été pris en charge par les services publics de santé. Ainsi, les postes de santé, les centres de santés situés près des débarcadères avaient reçu les malades et les avaient traités sous la coordination des directeurs régionaux, préfectoraux ou communaux de santé. Au niveau Conakry, les documents consultés mentionnent que, le service des urgences du CHU de Donka avait reçu et pris en charge « tous les malades » qui s'y étaient orientés.  

Toujours dans la recherche des causes, une mission dans la zone de contamination a identifié des flaques d’eaux polluées avec une forte quantité de substances, à une distance d’environ 41 nautiques soit 74 km des côtes de Conakry. Les échantillons prélevés ont été analysés par les différents chercheurs et principalement dans le laboratoire du Centre Régional de recherches en éco-toxicologie et sécurité environnementale de Dakar au Sénégal. Ce laboratoire a été choisi en raison de son implication dans la gestion de la crise similaire qui avait frappé les pêcheurs au Sénégal en 2019.  

Ainsi, il est établi après ces analyses contradictoires d’échantillons par différents laboratoires, que la nappe d’eau polluée, identifiée le 14 avril 2023 lors d’une mission de prélèvement en mer, contient des traces d’hydrocarbures comme le xylène, le toluène, le benzène, les hydrocarbures aliphatiques (dodécanes, tétradécanes, hexadécanes), les phénols et de l’acide Phtalique ainsi qu’une forte teneur de sulfates et la présence non négligeable du Total Aluminium et du fer.   

Ces substances notamment le Dodécane, les BTEX et l’acide phtalique « sont des composés considérés très irritants et seraient la cause des brûlures sur les corps des victimes ». Et « l’hypothèse de déversement d’eau de ballaste d’un bateau qui aurait fait un nettoyage de ces cuves avec du détergent, serait la plus plausible ».  

  Une semaine plus tard, le 21 avril, l’observation de deux cas de brûlures sur des militaires à environ 29 km des îles Tamara, a suscité l’envoi d’une autre mission de prélèvement dans ces zones. Ainsi l’aéronef de l’Armée guinéenne a survolé de la zone côtière jusqu’à la lisière des 12 milles nautiques et le Falcon 50 Français la zone du large.  

Après les observations de la mission de survol du 26 avril, le navire de recherche halieutique, Général Lansana Conté, a été mis à contribution pour réaliser une mission d’envergure de 5 jours de mer avec à bord les scientifiques.  

Ainsi les échantillons d’eau prélevés indiquent que, les pouvoirs acido-basiques des différents échantillons oscillent entre une légère acidité et une légère basicité tandis que, « la minéralisation est trouvée partout très forte ». Ces résultats confirment les analyses au laboratoire qui révèlent des teneurs très élevées de sulfates (> 900mg/L), du Molybdène dans les zones de transbordement de Rio Pongo, de Koukoudé et de l’estuaire du Konkouré, sans oublier que des phosphates ont été identifiés dans les zones de transbordement de Koukoudé et de Rio Pongo et en quantités excédentaires.  

De plus, les nitrates et nitrites, le fer, le Chrome VI (ou Hexavalent), l’aluminium, le cuivre et d’autres métaux lourds ont été dosés avec des teneurs non négligeables sur les différents sites investigués. Les résultats des analyses des sédiments par XRF révèlent de fortes présences des métaux dont le Titane, le Zirconium, le Manganèse, le Fer et le Strontium sans pour autant négliger la présence notoire d’autres métaux lourds.  

L’appui de l’Ambassade des États-Unis d’Amérique à Conakry a consisté, une nouvelle fois, à la réalisation d’un survol aérien de la ZEE Guinéenne à l’aide de l’avion américain dénommé Beachcraft King Air 200, pour localiser et, si possible, retracer le parcours des nappes polluées. Au cours de cette mission, « plusieurs navires de transport de minerais [de bauxite] ont été identifiés en opération de déversement des produits vraisemblablement chimiques ».  

Par la suite, le 25 mai 2023, la commission a commandité une mission d’identification, dans la zone de transbordement des minerais de bauxite de Rio Pongo. L’objectif étant d’effectuer des prélèvements dans la zone de transbordement des minerais et sur les navires présents sur le site dont ceux identifiés par la mission de survol du 16 mai 2023. Les résultats présentent une similitude avec ceux de la mission navale du 30 avril 2023, avec un pouvoir acido-basique ayant une légère tendance vers le milieu basique et des minéralisations moins élevées.  

Depuis le début de la crise, plusieurs campagnes de sensibilisation ont été organisées, conjointement par les agents des Ministères de la Pêche, de la Santé avec l’accompagnement des organisations socio-professionnelles dans les débarcadères (comme c’est le cas de la Confédération Nationale des Professionnels de la Pêche de Guinée).  

A travers ces campagnes, il a été constaté une diminution drastique du nombre de malades dans la zone de Conakry et dans la zone de Forécariah. Au contraire, une augmentation du nombre de cas a été observée dans la Préfecture de Boffa et principalement au débarcadère de Koukoudé et à Taboriah en début mai. Face à cette situation préoccupante, une nouvelle mission conjointe s’est rendue à Taboriah et à Koukoudé, le 07 mai 2023.  

A travers le Ministère de l’Environnement et du Développement Durable, deux structures spécialisées ont été sollicitées :  SECHE Environnement qui est au cœur de la transition écologique de par sa vocation de cabinet privé spécialisé en évaluation et lutte anti-pollution, et le Centre de recherche et de documentation anti-pollution (CEDRE), institution publique de la France, experte en pollutions accidentelles des eaux.  

Ces structures ont offert des appuis-conseils à distance, à travers la réalisation de trois visioconférences, qui ont permis aux experts guinéens de mettre en place une démarche structurée de gestion de la pollution.  

Parmi les différentes recommandations de ces diverses missions, figure la demande de saisine officiellement de l’Agent judiciaire de l’État, afin de faire évaluer par celui-ci l’opportunité du lancement immédiat de poursuites judiciaires « pour pollution marine, blessures massives et pertes de revenus à la suite d’atteinte aux activités de pêches ». Mais c’est plutôt, M.Charles Wright, le Garde des Sceaux Ministre de la Justice et des Droits de l’Homme qui, le 19 juin 2023, a signé des injonctions aux fins de poursuites judiciaires pour des faits présumés de pollution marine, ayant entrainé des éruptions cutanées chez les pêcheurs artisanaux et des dommages environnementaux au préjudice de l’État guinéen, contre les navires minéraliers suspectés, des personnes physiques, ou morales propriétaires, utilisatrices ou responsables desdits navires. 

Qui sont ces suspects navires ? Conformément à l’ordre de mission du 25 mai 2023, relatif au prélèvement à bord des navires minéraliers dans les zones de transbordement dans l’espace maritime guinéen à Boffa, une équipe de cadres des départements ministériels s’est rendue dans les zones de transbordement de bauxite des navires à Boffa, le 25 mai 2023.  

Embarqué à bord de deux navettes Kankan 58 et Dalaba 59 au Port Autonome de Conakry, l’équipe est arrivée dans la zone cible où elle abordait les navires sur place.  

Au tour du navire JIN HAI XING, les techniciens des laboratoires ont aussitôt procédé au prélèvement d’échantillon d’eau suspectée de couleur jaunâtre. A bord du navire, l’équipe a été reçue par le second officier Maurice Daniel GEBRIEL. Après la présentation de l’ordre de mission et des membres de la mission, les échanges ont porté sur l’absence du registre de ballastage, la capacité du navire qui est de 4260 tonnes de bauxite et le lavage des cuves/déversement des eaux de ballast qui ne serait pas fait en Guinée selon cet officier.  

La mission a constaté que la question des eaux de ballast est floue, parce que le registre n’existe pas. Aussi, concernant la gestion des déchets, notamment les eaux usées de toilette, l’officier a répondu que les déchets sont collectés par la société minière Chalco.  

Il a été relevé une contradiction dans la communication du second officier, à propos de ce que fait son navire dans les eaux guinéennes. Dans un premier temps, le navire sert de barge pour transporter la bauxite du port au grand navire et un deuxième temps, il sert de transport de l’alimentation des travailleurs entre le grand navire et la société Chalco. Ce qui est complètement invraisemblable, parce qu’à l’intérieur, « il a été trouvé une chargeuse et, la taille et le tirant d’eau d’un tel navire ne sont pas compatibles au chenal de la Fatala ».  

Pour les enquêteurs, « il faut interdire ce navire de quitter le territoire guinéen jusqu’après la publication des résultats d’analyse des échantillons et vérifier à partir de la société Chalco la destination des déchets collectés sur les navires ».  

Aussitôt arrivée au niveau du navire Costa 502 HI CHIP (COSCO 502 SHIPPING CSB HOPE HONG KONG), la mission a procédé à des prélèvements des échantillons de l’eau de couleur jaunâtre, sous forme de sillon au tour du navire. Ensuite, la mission a cherché à entrer en contact avec l’équipage du navire, à travers la radio dans le but de monter à bord pour faire le prélèvement, malheureusement, elle s’est vu refuser d’embarquer à bord par l’entremise d’un certain Sergent-chef Augustin HABA, qui a dit à la mission « de se référer au conseiller militaire de Boffa ».  

Après la prise successive de parole des deux commandants des deux navettes et le chef de mission, l’Inspecteur général du Ministère de l’Environnement le Commandant Mory Fodé Diané, pour expliquer l’objet et la portée de cette mission, « ledit sergent-chef et le responsable du navire ont catégoriquement refusé à la mission de faire son travail sur leur navire ».  

Conséquemment, les Inspecteurs proposent une interdiction immédiate au navire COSCO 502 HI SHIPPING de quitter le territoire guinéen, cela jusqu’à la fin d’une mission de contrôle et la convocation de tous les agents qui étaient à bord, au moment du refus d’accès au navire à la mission de contrôle et leurs mises à disposition à la Brigade nationale de recherche de la Gendarmerie pour les besoins d’enquête ».  

Concernant le navire Cape Apollo, la mission a été reçue par le capitaine dudit navire et son équipe, malgré la mauvaise volonté du capitaine à échanger avec elle, la mission a constaté l’absence du registre de ballastage et la question des eaux de ballast est restée floue, « parce que le registre n’a pas été consulté ».  

La gestion des eaux usées des toilettes est préoccupante car ces déchets sont rejetés dans la mer selon le capitaine. Ce qui constitue une mauvaise pratique et un cas avéré de pollution marine.  

La mission recommande l’interdiction à ce navire de quitter le territoire guinéen pour deux raisons i) - attendre le résultat d’analyse des échantillons prélevés, ii) - attendre la mise en conformité de la société Sunda SD Mining, dont il transporte les minerais.