Détournements de fonds à Conakry Terminal : L’inertie de la Junte face au pillage des intérêts français

Le 22 février 2023, la Direction Générale de la société Conakry Terminal SA filiale du groupe Bolloré formule, auprès de la Direction centrale des investigations judiciaires de la gendarmerie nationale, une plainte contre son ex- trésorier M. Émile Souleymane N’Diaye et autres, « pour détournement de fonds et faux et usages de faux, fraude et toutes autres infractions connexes ».

Selon une source sécuritaire, « c’est suite à des investigations du service de contrôle interne, que la Direction de Conakry Terminal SA a découvert des cas de détournements d’importants fonds et de tentative de détournement par le biais de stratégies de falsification. Une opération savamment conçue dont l’exécution a permis des encaissements frauduleux de chèques au préjudice de l’entreprise ».

Sur le mécanisme de fraude qui a débuté en 2015 et l’ampleur des infractions, un document consulté auprès de cette source sécuritaire indique que, « le trésorier qui avait la charge de collecter les chèques, ne transmettait pas ceux de la caisse 2 accompagnés des bordereaux détaillés de transmission des chèques. De ce fait, ces chèques de la caisse 2 ne faisaient pas l’objet de remises à la banque ».

Le trésorier était également celui qui communiquait les relevés bancaires au service de rapprochements. Et selon la source documentaire consultée, « ces relevés faisaient l’objet de falsification par le trésorier Émile Souleymane N’Diaye qui y faisait apparaître des faux encaissements pour le compte de Conakry Terminal SA, afin de pouvoir refléter la situation comptable des banques ».

Le document ajoute que « le trésorier procédait à des annulations d’écritures automatiques d’encaissements en mouvementant manuellement en contrepartie, le compte de virement interne qui sert normalement de transition aux transferts de compte à compte de la société. Ces montants en suspens faisaient ensuite l’objet d’écritures de compte à compte (nivellement) non justifiées entre différents comptes bancaires au sein de la comptabilité ». 

A partir du 2ème trimestre de 2022, les états de rapprochements bancaires étaient élaborés par M.N’Diaye qui les faisait signer par le comptable immobilisations (devenu responsable des rapprochements bancaires suite à l’indisponibilité de l’ancienne chargée de cette mission. Ce dernier ne procédait à aucune vérification, peut-on lire dans ce document, « avant d’apposer sa signature sur le cadre réservé à la personne qui réconcilierait les comptes bancaires avec les relevés sur les états de rapprochements ». 

Ainsi, les soldes présentés sur la version papier des relevés bancaires accompagnant les rapprochements n’ont jamais été comparés aux soldes en ligne, « alors que la chargée de rapprochements disposait des accès aux banques afin de procéder à ce contrôle. Et dès les premiers soupçons sur ce détournement, Émile Souleymane N’Diaye est absent de son poste depuis le 1er février 2023 ».  Comme quoi celui qui se sent morveux se mouche ! 

Cette saisine de la gendarmerie nationale n’a pratiquement rien servi (lire  https://www.lepetitdepute.com/details-article/detournement-denviron-2-5-millions-deuros-a-conakry-terminal-le-suspect-court-toujours-sous-le-regard-indifferent-de-la-gendarmerie). C’est pourquoi, le 2 mars 2023, inquiète par la lenteur dans la conduite de l’enquête, le Procureur de la République près le Tribunal de première instance de Kaloum, M. Mamoudou Magassouba, sur  demande de réquisitions aux fins de comparution forcée du 1er mars, formulée par le Directeur central des investigations judiciaires de la gendarmerie nationale, le parquet de Kaloum « requiert du Directeur central à l’effet de faire rechercher et de conduire à son service, par les agents sous ses ordres, en se conformant à la loi, le nommé : Émile Souleymane N’Diaye, pour qu’il soit entendu sur les faits qui lui sont reprochés ». Peine perdue !

Et le 5 avril 2023, le Parquet Général près la Cour d’Appel de Conakry a transmis au Procureur de la République Magassouba « pour dispositions urgentes à prendre en vue de l’interpellation du présumé auteur principal, la demande d’intervention du 29 août 2023 de Me Amadou Lélouma Diallo, avocat à la Cour, conseil de la société Conakry Terminal SA ». Une fois de plus le suspect court toujours.

Encore plus, le 4 juillet 2023, la Direction générale de Conakry Terminal formule une demande d’intervention auprès du Garde des Sceaux Ministre de la Justice et des Droits de l’Homme « à l’effet de bien vouloir intervenir au niveau du Parquet Général » pour contraindre la Direction centrale de la division des investigations judiciaires de la gendarmerie nationale « à poser des actes concrets dans l’interpellation de N’Diaye ».

Comme devant l’inertie de la gendarmerie nationale « qui n’arrive pas à rechercher et interpeller N’Diaye en dépit de sa géolocalisation dans la zone de Dubréka, selon les officiers de police judiciaire en charge de l’enquête », M.N’Diaye a toujours refusé de répondre aux questions de lepetitdepute.com.

Par ailleurs, il faut noter l’implication de la police nationale à travers l’Office de répression des délits économiques et financiers (ORDEF) sur instruction du Procureur Spécial près de la Cour de répression des délits économiques et financiers (CRIEF), saisie sur dénonciation par tierce personne. En tout état de cause selon nos sources, la victime de ce détournement « a le sentiment que ce dossier n’évolue pas au point qu’elle estime opportun » de s’adresser au Ministre Charles Wright « pour diligenter la recherche et l’interpellation de l’ex-trésorier jusqu’ici introuvable ».

Selon toujours nos sources, ces mesures paraissent nécessaires dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice par la Junte et de la sécurisation juridique et judiciaire des investisseurs étrangers que le pays a besoin dans le cadre non seulement de la consolidation de l’État de droit dont « la Justice en est la boussole », mais également celui du renforcement de la promotion de l’économie.

Comme pour dire qu'un réveil judiciaire s'impose dans ce dossier.