Diplomatie sous tension : Paul Kagamé, Mohammed VI et Rio Tinto face au défi de la justice guinéenne

Un conflit diplomatique de grande envergure pourrait bientôt opposer le chef de la junte guinéenne, Mamadi Doumbouya, au président rwandais Paul Kagamé, au roi du Maroc Mohammed VI et à la multinationale Rio Tinto, partenaire industriel du projet de minerai de fer de Simandou.
La situation a atteint un point critique le 18 décembre 2024. Ce jour-là, les ambassadeurs du Rwanda et du Maroc, accompagnant leurs ressortissants impliqués dans l’affaire — à savoir l’ancien représentant pays de Rio Tinto, Samuel Gahigi (présentement Conseiller principal des affaires extérieures pour l'Afrique à Rio Tinto), et Sarah Bougriane de l’entreprise Graphem — ont dû patienter des heures dans les locaux de la Cour de Répression des Délits Économiques et Financiers (CRIEF). Selon nos sources, les diplomates marocain, Issam Taib et rwandais, Michel Sebera, y ont été retenus de 9h à 23h, dans des conditions jugées peu respectueuses de leur rang. Une lettre expliquant cette situation aurait été adressée par Rio Tinto au général Amara Camara, secrétaire général de la présidence guinéenne.
Selon  une pièce de la procédure, Samuel Gahigi, Sarah Bougriane, ainsi que les sociétés Rio Tinto Guinée et Graphem Guinée, sont poursuivis par la CRIEF. Ils font face à plusieurs accusations, notamment d’atteinte à la liberté d’accès et à l’égalité des candidats aux marchés publics, de corruption dans le secteur public, d’usurpation de titres et de fonctions, d’association de malfaiteurs et de complicité.
Ces poursuites font suite à une plainte déposée par la société Videri Entreprises dont Ibrahim Camara en est le Directeur exécutif, après plusieurs batailles juridiques infructueuses devant le Tribunal du Commerce. L’affaire concerne un litige autour de la construction d’un parc urbain à Tombo, un projet financé par Rio Tinto Guinée à hauteur de 20 millions de dollars. Camara remet en question une procédure interne de passation de marché menée par Rio Tinto et ses partenaires locaux.
Malgré plusieurs convocations et une arrestation évitée de justesse le 18 décembre, Gahigi et Bougriane semblent désormais chercher la protection diplomatique. Ils sont attendus de nouveau devant le juge Yagouba Conté de la CRIEF le 13 janvier 2025. Trois magistrats du ministère public — Malick Marcel Oularé, Aminata Kaba et Ousmane Sano — se chargeront de convaincre le juge de la compétence de la CRIEF dans ce dossier où les enjeux financiers et diplomatiques sont manifestement importants.
Cette situation complexe met en lumière les tensions croissantes entre intérêts industriels, politiques et diplomatiques dans un contexte où les enjeux économiques liés à l’exploitation des ressources naturelles demeurent cruciaux pour les parties prenantes.