Paiement en devises : Une dérogation en faveur de la SONAP qui intrigue

Les actes administratifs ont-ils obligation de respecter le parallélisme des formes et des compétences ? Apparemment, à la Banque Centrale de la République de Guinée (BCRG), l’observation de « ce principe juridique de droit public d'après lequel une décision administrative prise sous une certaine forme ne peut être retirée, abrogée, annulée ou modifiée qu'en respectant les mêmes formes », n’est pas à l’ordre du jour. Alors pas du tout.

C'est le moins qu'on puisse affirmer, au visa de la lettre du premier vice-gouverneur de la BCRG du 26 mai 2023 adressée au Directeur Général de la Société Nationale des Pétroles (SONAP) portant « dérogation pour paiement en devise », dont on est tenté de comprendre par-là « une violation flagrante » des dispositions du Décret numéro 032 du 28 janvier 1988.

Malgré  que le vice-gouverneur M. Elhadj Mohamed Lamine Conté ait reconnu « pertinemment la rigueur de cet Décret » en rappelant qu’ « en matière de facturation des biens et services en franc guinéen sur toute l’étendue du territoire national, reste en vigueur », il a tout de même, « aisément modifié » un acte du pouvoir central (lire ci-dessous copie de cette lire), en décidant qu’ « en raison de la spécificité, et du contexte particulier du marché de change, la BCRG vous accorde une autorisation spéciale pour la facturation et le règlement des produits pétroliers auprès de votre clientèle ayant une ressource en devises ».

Pourtant, l’article 2 dudit Décret stipule qu’ « à titre exceptionnel, les prestations de services dues, d’une part, par les armateurs étrangers au Port Autonome de Conakry (PAC), et aux sociétés exerçant au Port et d’autre part, par les compagnies aériennes à la Société de Gestion de l’Aéroport de Conakry (SOGEAC), ainsi que les honoraires et rémunérations diverses versés à des personnes non résidentes à partir de financement extérieurs continuent d’être libellés et réglés en monnaies étrangères ».

Également, mais à titre transitoire, jusqu’au 31 décembre 1988, les loyers des maisons d’habitation ou à usage professionnel pour les contrats en cours peuvent être payés en devises sur des comptes ouverts auprès des banques de la place à charge pour celles-ci de céder ces devises au marché des enchères, conformément aux modalités prévues par la réglementation des changes. 

Alors question, pour rendre la SONAP éligible au régime dérogatoire, ne fallait-il pas solliciter le colonel Mamadi Doumbouya, pour la signature d’un acte équivalent modifiant la liste des entités éligibles ? Peut-on savoir si la Direction Générale de l’Administration et des Services Juridiques de la BCRG a, un tant soit peu, été associée à la commission de cette violation d’un principe juridique établi ? 

Les équivalents des Ministères en charge de l’Intérieur et de la Décentralisation, de la Justice Garde des Sceaux, de l’Économie et des Finances, de l’Équipement et de l’Urbanisme, les Secrétaires d’État au Commerce, de la Sécurité et le Gouverneur de la Banque Centrale de la République de Guinée, qui sont chargés, chacun en ce qui le concerne de l’application du présent Décret, ont-ils cautionné cette violation du parallélisme des formes et des compétences ? Ou bien, dans le chantier annoncé de la refondation de l’État guinéen, un vice-gouverneur de la Banque Centrale a autorité de se passer d’un acte Président Mamadi Doumbouya ?  

Ce sont là autant de questions qui méritent d'être soulevées au visa de tout ce qui précède. Parce que, sous d’autres cieux, « l’ignorance de la loi n’excuse pas celui qui aurait dû en avoir connaissance ».