Guinée – Émirats Arabes Unis : Tension diplomatique et commerciale croissante
La gestion litigieuse des droits miniers et commerciaux de la Guinea Alumina Corporation (GAC), filiale d’Emirates Global Aluminium (EGA), alimente une crispation diplomatique et commerciale sans précédent entre la Guinée et les Émirats Arabes Unis. Ce différend, d’apparence contractuelle, semble désormais s’inscrire dans un cadre plus large, à la fois géostratégique, institutionnel et financier, augurant d’une crise bilatérale d’ampleur.
Dans ce contexte, des accusations croisées, nourries par des allégations de pratiques commerciales opaques, d’abus de position dominante et de dévoiement de la commande publique, circulent dans les sphères décisionelles des deux États. À Conakry comme à Abou Dhabi, plusieurs sources concordantes évoquent, à mots couverts, l’existence de réseaux d’intérêts privés ayant profité, des années durant, d’une gouvernance permissive du secteur extractif guinéen.
Conséquemment, selon ces mêmes sources, les autorités guinéennes auraient recommandé à la haute administration de surseoir à toute mission officielle ou privée vers les Émirats Arabes Unis, et ce jusqu’à nouvel ordre. Si cette instruction, bien qu’encore non formalisée, s’avérait fondée, elle traduirait néanmoins un refroidissement diplomatique tangible ainsi qu’une volonté manifeste de reprendre le contrôle narratif d’un partenariat jugé déséquilibré.
C’est dans cette logique que, le 27 juin 2025, le ministre des Mines et de la Géologie, M. Bouna Sylla, a officiellement notifié à GAC ainsi qu’à ses partenaires financiers, la résolution unilatérale de la convention de base, attribuant à la société émiratie la pleine responsabilité de la rupture. Cette décision – juridiquement lourde de conséquences – s’inscrit dans une volonté politique assumée de revoir en profondeur les fondements des partenariats miniers, quitte à bousculer certains intérêts jusque-là considérés comme intouchables. Une posture qui, malgré son audace, n’est pas sans susciter l’inquiétude des investisseurs internationaux, des assureurs et des banques de sûreté, quant à la prévisibilité du climat des affaires en Guinée.
Par ailleurs, au sein du ministère des Mines et du comité stratégique du Simandou, piloté par le ministre-directeur de cabinet à la Présidence, M. Djiba Diakité, le ton s’est durci. Un document interne, émanant de ces deux entités, souligne que l’État guinéen se réserve le droit d'engager toute action en réparation d’un préjudice "substantiel", qu’il estime avoir subi du fait des pratiques de GAC. Il y est également fait mention de la restitution éventuelle des profits indûment perçus, mettant en cause l’intégrité même de certains mécanismes contractuels passés.
Dès lors, au-delà du contentieux technique, c’est une reconfiguration stratégique du modèle minier guinéen qui est à l’œuvre. Pour de nombreux observateurs, le différend avec GAC cristallise un tournant politique, celui d’un État qui tente de rompre avec une décennie de dépendance économique et de complaisance institutionnelle vis-à-vis d’acteurs étrangers jouissant d’une position dominante.
De plus, il convient de rappeler que la convention initiale entre GAC et l’État guinéen, conclue en 2004, portait sur la construction d’une raffinerie d’alumine – infrastructure clé pour la transformation locale de la bauxite. Malgré plusieurs révisions contractuelles et des promesses renouvelées, ce projet n’a jamais vu le jour, nourrissant depuis deux décennies frustration, soupçons de duplicité et accusations d’inefficacité.
En définitive, l’issue de cette crise dépendra de la capacité des deux parties à renouer un dialogue franc et équitable — contrairement aux tentatives de médiation précédentes, rapportées par plusieurs sources comme ayant échoué, notamment à Dakar (Sénégal) et, plus récemment, à Rabat (Maroc). Mais au regard des tensions accumulées et de l’enjeu symbolique de ce dossier, une rupture ouverte, aux conséquences diplomatiques, juridiques et économiques multiples, ne peut être écartée.
Affaire à suivre.