Crise profonde au sein du projet minier Bel Air : l’arrêt des opérations fait craindre le pire
La société minière Bel Air Mining (BAM), considérée comme l’un des fleurons de l’exploitation bauxitique en Guinée, traverse une crise sans précédent. Selon plusieurs sources locales concordantes, les activités sont totalement à l’arrêt depuis plus d’un mois, conséquence d’une combinaison de facteurs structurels et conjoncturels : mauvaise gouvernance, blocages communautaires, contentieux judiciaires et difficultés financières.
Depuis le 14 mars, les sociétés sous-traitantes Wansa, KTMS et ECKE bloquent l’accès à la mine et aux infrastructures portuaires, notamment le quai de chargement (voir image d'illustration). Ces actions visent à contraindre la direction de BAM à respecter ses engagements contractuels et à régler les arriérés de paiement. D'autres prestataires, confrontés à des situations similaires, menacent de se joindre au mouvement. En parallèle, le fournisseur de carburant Vivo Energy a suspendu ses livraisons, tandis que Bureau Veritas (BV) a démobilisé son personnel et cessé ses activités de laboratoire. D’autres prestataires stratégiques envisagent également de se retirer, selon les mêmes sources.
Sur le plan financier, la situation apparaît critique. BAM cumulerait plus de 40 millions de dollars de dettes, comprenant des arriérés fiscaux, des droits de douane non acquittés, des cotisations sociales impayées, ainsi que des obligations communautaires non honorées. S'y ajoutent plusieurs défauts de paiement sur des prêts contractés auprès de banques commerciales locales, ainsi qu'une dette de 4,9 millions de dollars envers Wansa.
L'absence d'une stratégie claire de redressement est aggravée par la volonté de retrait de l'actionnaire principal, Orion Resources, et par l'absence de repreneur prêt à s’engager dans une relance transparente du projet. De plus, un contentieux judiciaire opposant le groupe Wansa à BAM a conduit le Tribunal de commerce de Conakry et la juridiction de compétence territoriale de Boffa à ordonner la suspension temporaire du chargement de la bauxite, paralysant davantage les opérations.
La crise s'étend désormais aux services essentiels. La société Bouramaya Multi Service (BMS), chargée de la restauration du personnel, menace de suspendre ses prestations en raison d’impayés, exacerbant les tensions internes. D’après les informations recueillies, 90 % du personnel aurait été mis en congé forcé.
Face à cette situation critique, deux options d'urgence seraient actuellement envisagées par la direction locale de BAM :
1. Une relance partielle des activités sous gestion locale, afin de maintenir un minimum d’opérations.
2. L’obtention d’un financement bancaire garanti par les ventes futures de bauxite, destiné à apurer les dettes et restaurer la confiance des partenaires.
Par ailleurs, plusieurs sources rapportent que le CEO d’Alufer/Bel Air Mining, l’Anglais Jeff Couch, séjournerait actuellement à Conakry, dans le but de convaincre les autorités guinéennes d’approuver la cession du projet au groupe indien RESCOM. Une source proche du dossier indique que « au niveau du ministère des Mines et de la Géologie, il a été demandé à BAM, avant toute discussion sur la procédure de cession, d’apurer toutes les créances, notamment celles au profit de la communauté des entreprises ».
Toutefois, au-delà des mesures d'urgence, la survie durable du projet Bel Air semble conditionnée à un dialogue sincère avec les communautés riveraines et les sous-traitants. Sans une réconciliation authentique avec ces parties prenantes, la viabilité du projet restera gravement compromise.

