Guinée : L'opposition en exil, la démocratie en péril
Bienvenue dans une nouvelle édition de “Mes Réflexions Sans Filtre” — un espace d’analyse libre dans lequel j’explore les réalités sociopolitiques et économiques de la Guinée. Cette semaine, je m’attarde sur un pilier fondamental de toute démocratie fonctionnelle : l’opposition politique. Son affaiblissement progressif en Guinée ne constitue pas seulement un signe d’alerte, mais bien un véritable appel à la vigilance.
Lorsque le Général Mamadi Doumbouya a pris le pouvoir par un coup d’État le 5 septembre 2021, il s’était engagé à rompre avec les pratiques anticonstitutionnelles du régime précédent. Quatre ans plus tard, cette promesse semble trahie. Le processus de transition a peu à peu effacé les maigres acquis démocratiques obtenus depuis le retour au multipartisme au début des années 1990.
Première cible : les médias
Au lieu d'encourager le débat d’idées et la redevabilité des institutions, le pouvoir a opté pour la répression des voix indépendantes. Des médias autrefois considérés comme piliers de la démocratie, tels que FIM, Espace et Djoma, ont été fermés. Les rares justifications avancées — souvent d’ordre financier — peinent à masquer une volonté manifeste d’étouffer toute critique. Les différends économiques, aussi légitimes soient-ils, ne peuvent servir de prétexte à une mise à mort de la liberté de la presse.
Résultat : un climat de peur. Les journalistes critiques et les activistes sont réduits au silence. La population se retrouve désinformée, contrainte de s’en remettre à des influenceurs sur les réseaux sociaux ou à quelques plateformes de la diaspora comme GTV1. Quant à la télévision nationale (RTG), elle agit moins comme un service public que comme l’écho du pouvoir en place.
Deuxième cible : l’opposition politique
L’autre front d’affaiblissement institutionnel est l’opposition. Ses principales figures — Cellou Dalein Diallo, Sidya Touré et l’ancien président Alpha Condé — vivent toutes en exil, confrontées à des poursuites judiciaires à forte teneur politique. Leurs partis respectifs sont sous pression constante.
Récemment, le ministère de l’Administration a ordonné un « audit politique » évoquant des irrégularités administratives. Cela a conduit à la suspension temporaire de plusieurs formations, dont celles de Sidya Touré et d’Alpha Condé, déjà affaiblies par des vagues d’arrestations, d’intimidations et de désertions.
Le cas du parti de Cellou Dalein Diallo mérite une attention particulière. Contrairement aux autres, ce parti reste actif, structuré, et fortement ancré dans la société civile. Depuis 2021, il tient des conférences régulières à Conakry et en ligne. C’est une rare constance dans un contexte d’étouffement politique. Pour le neutraliser, le régime privilégie une stratégie insidieuse : infiltration, divisions internes, et tentative de cooptation de ses cadres.
Un enjeu national
Dans un pays où plus de 80 % de la population vit sous le seuil de pauvreté, la politique peut sembler lointaine. Pourtant, l’absence d’opposition véritable affecte directement le quotidien des citoyens. Sans contre-pouvoir, la corruption prospère, l’impunité devient la règle, et les droits fondamentaux sont bafoués.
Quand plus personne ne peut s’opposer au pouvoir, les souffrances ordinaires — chômage, vie chère, écoles délabrées, hôpitaux démunis — s’aggravent inexorablement.
Conclusion
Il ne s’agit pas seulement de défendre une classe politique, mais de préserver l’espace civique, les libertés fondamentales, et l’avenir démocratique de la Guinée. C’est pourquoi chacun, à son niveau, a la responsabilité de rester vigilant, d’informer, de s’informer, et d’agir.
À la semaine prochaine.
Ceci est la plume du Dr Abu Bakkar Jiifin Jalloh.