Pollution du fleuve Cogon : l’or rouge des mines menace l’eau d’un million de Guinéens

Depuis plusieurs années, le fleuve Cogon, qui alimente en eau potable plus d’un million de personnes dans la région minière de Boké, fait l’objet d’une inquiétude grandissante. Autrefois limpides, ses eaux présentent désormais des teintes rougeâtres et une turbidité alarmante, obligeant les habitants à recourir à la décantation avant toute consommation. À Sangarédi, au cœur de la carrière de la Compagnie des Bauxites de Guinée (CBG), les riverains témoignent de manière unanime : les robinets livrent une eau difficilement potable. Cette situation, signalée pour la première fois en 2020, continue de préoccuper la population locale.
Face à cette alerte, le Ministère de l’Environnement et du Développement Durable a dépêché en octobre 2024 une mission d’évaluation sur le terrain. Composée de spécialistes du Laboratoire d’Analyses Environnementales et de l’Agence Guinéenne d’Évaluations Environnementales, l’équipe s’est donnée pour mission d’identifier les causes de la pollution. Lors des rencontres avec le Préfet de Boké, Colonel Sény Silver Camara, et le Président de la Délégation Spéciale de Sangarédi, M. Abdoulaye Barry, les experts ont pu mesurer l’ampleur de l’inquiétude des populations et recueillir des informations précises sur les activités locales susceptibles d’affecter le fleuve.
Les investigations ont révélé que les exploitations minières situées en amont jouent un rôle central dans la dégradation de l’eau. Selon le rapport, la CBG est responsable d’un impact mineur, limité à certaines zones d’érosion le long de la rivière Pöra, mais suffisant pour contribuer à la turbidité du Cogon. En revanche, la Société Minière de Boké (SMB) est identifiée comme responsable d’un impact majeur. Les relevés effectués à proximité de sa gare à Santou montrent une turbidité atteignant 167 NTU, largement au-delà des normes de l’Organisation mondiale de la Santé. Les routes minières longeant le fleuve, les déversements directs et l’absence de mesures d’atténuation amplifient cette pollution, en particulier pendant la saison des pluies.
À ces sources s’ajoutent les fabriques de briques en terre cuite situées à la confluence de la Pöra et du Cogon, qui provoquent des dépôts de boue et une coupe abusive de bois. Bien que leur impact soit évalué comme moyen, il s’étend sur une large superficie et contribue à la dégradation cumulative du fleuve, mettant en danger la santé des populations riveraines.
Pour y remédier, le rapport formule des recommandations concrètes et assorties de délais précis. La CBG et la SMB sont invitées à construire et entretenir des bassins de décantation pour limiter l’érosion et traiter les eaux de surface avant leur rejet. Il est également recommandé d’éloigner les routes minières du lit du fleuve et de stabiliser les sols à l’aide de cordons pierreux ou de gabions. De leur côté, les autorités guinéennes doivent réguler les fabriques de briques et l’exploitation anarchique de l’argile afin de protéger durablement le Cogon.
Ainsi, le fleuve Cogon, vital pour l’approvisionnement en eau potable des préfectures de Boké, Gaoual et Télimélé, se trouve au cœur d’un défi environnemental majeur. Les responsabilités sont clairement établies et des mesures concrètes sont proposées. Toutefois, la restauration de la qualité de l’eau et la protection des populations dépendront de la mise en œuvre rapide et rigoureuse de ces recommandations. Le temps presse, et l’avenir du Cogon repose autant sur la vigilance des autorités que sur l’engagement des compagnies minières.