Crise de liquidités en Guinée : comprendre les causes et les solutions en cours

Depuis plusieurs mois, la Guinée fait face à une crise de liquidités sans précédent. Les guichets des banques commerciales peinent à satisfaire la demande en espèces, alimentant frustrations et spéculations au sein de la population. Pourtant, derrière cette situation préoccupante, se cache une combinaison complexe de facteurs techniques, institutionnels et politiques.

L’un des éléments déclencheurs de cette pénurie réside dans le retard pris par la Banque centrale de la République de Guinée (BCRG) dans le renouvellement de son stock de billets. Ce retard s’explique notamment par des rumeurs, apparues en août 2024, insinuant que le ministre de l’Économie et des Finances d’alors, Moussa Cissé, et le gouverneur de la BCRG, Karamo Kaba, auraient introduit de la fausse monnaie sur le marché.


Ces accusations, bien que démenties par une enquête administrative qui n’a révélé aucune infraction, ont provoqué un climat de méfiance autour des deux hommes. Tandis que le ministre Cissé a quitté le pays, le gouverneur Kaba a été placé en détention pendant quatre jours. Durant ce laps de temps, les démarches nécessaires auprès des imprimeurs de billets ont été gelées, repoussant les commandes à la fin du mois d’octobre 2024. Or, la fabrication et l’acheminement de billets peuvent prendre jusqu’à sept mois.


Autre facteur structurel : la croissance rapide de l’économie guinéenne, qui a largement dépassé les capacités d’émission fiduciaire actuelles. Le billet de plus grande valeur — 20 000 GNF — équivaut à peine à deux dollars américains, ce qui complique les transactions de grande envergure et accroît la demande en cash.

Cependant, les autorités se veulent rassurantes. Un stock de 1 000 milliards de francs guinéens en billets est attendu d’ici la fin du mois de mai, ce qui devrait permettre un retour progressif à la normale dès la semaine prochaine.

La crise est également alimentée par les pratiques internes de l’État. Les institutions telles que l’armée, le Ministère de l’Administration du Territoire (MATD) ou encore le Trésor public continuent de privilégier massivement les paiements en espèces, aussi bien pour les dépenses de fonctionnement que pour l’investissement. Le refus persistant de bancariser ces structures pèse lourdement sur le système bancaire national.

Par ailleurs, les opérateurs économiques se détournent progressivement des banques, notamment par crainte des redressements fiscaux. Les services des impôts utilisent en effet les relevés bancaires pour identifier les entreprises susceptibles de dissimulation de revenus. Résultat : les dépôts diminuent, tout comme les fonds que les banques peuvent reverser à la BCRG.

Enfin, l’application particulièrement stricte des normes de lutte contre le blanchiment d’argent a contribué à restreindre davantage les mouvements de fonds, rendant l’accès aux liquidités encore plus difficile.


Face à cette conjoncture, les autorités appellent à un changement de paradigme : réduire progressivement la dépendance au cash et encourager les virements électroniques. La transition vers un modèle plus numérisé, plus traçable et plus efficient s’impose désormais comme une nécessité.