Douteuse Gestion à la Société Navale Guinéenne
En 2016, un audit par la Cour des Comptes a démontré que des importantes ponctions ont été effectuées sur les comptes de la Société Navale Guinéenne (SNG) pour des investissements destinés à la construction de la gare maritime de Sandervalia et du port sec de Kagbèlen.
Les investissements sur fonds propres à la Gare maritime de Sandervalia et au port sec de Kagbèlen, ayant conduit à d’importantes ponctions sur la trésorerie risquent de créer à terme une tension sur les liquidités de l’entreprise.
Du rapprochement entre les deux soldes de caisse, il apparaît un écart non justifié de GNF 2,4 millions, 30,34 Euros et USD 300. Ce qui signifie, selon la Cour des Comptes que ces sorties de caisse ne sont pas enregistrées en comptabilité. En 2016, par exemple, aucun montant ne figure ni dans le procès-verbal de caisse ni dans les livres comptables.
Les écarts entre les effectifs enregistrés par le service des ressources humaines et ceux présentés dans les rapports d’activités de la SNG correspondent à une non-maîtrise de l’effectif du personnel, ce qui dénote une incertitude sur les charges sociales.
Au regard des attributions et du fonctionnement de la SNG, il existe une incohérence entre les effectifs des agents d’encadrement supérieur (hiérarchie A) et ceux des agents d’encadrement intermédiaire et d’exécution (hiérarchies B et C). Pour la Cour des Comptes, cette situation pléthorique de la hiérarchie A est un facteur d’accroissement de la masse salariale et de la réduction de la performance et des résultats de l’entreprise.
En violation de la loi portant statut général des fonctionnaires, des agents de l’administration publique (donc des fonctionnaires de l’État) sont nommés à la SNG. Ils ne sont placés ni en position de détachement ni en position de disponibilité. Ceux-là continuent à émarger à la fonction publique en sus d’une prime spéciale que leur accorde la SNG.
Les personnels employés permanents et temporaires (à part les premiers responsables des différentes directions techniques pour lesquels il a été procédé un avis d’appel à candidature) ont été recrutés sans procédure mise en concurrence. En outre, les tâches ne sont pas définies dans un manuel de profilage des postes, ce qui ne permet pas de s’assurer de la juste adéquation de la qualification au poste.
La situation des 13 employés temporaires ayant plus de 2 ans d’ancienneté dans l’entreprise, portée à la connaissance du conseil d’administration par la direction générale, n’a fait l’objet d’aucune correction.
Une multitude de primes et indemnités est octroyée chaque année par la directrice générale Cissé, sans l’aval du conseil d’administration. Cependant, les accessoires du salaire (primes et indemnités) ne reposent sur aucune base juridique (une loi, un règlement, une convention collective ou une délibération du conseil d’administration).
Selon les constats de la Cour des Comptes, pour la période sous revue, trois salariés ont été mis à la retraite. En 2015, deux ont été admis à faire valoir leurs droits à la retraite, par décision n°135 du 10 décembre 2015 de la directrice générale. Cependant cette décision ne respecte pas le délai d’information minimum exigé par le Code du Travail. Elle ne fixe pas non plus le montant de l’indemnité de départ, auquel les concernés ont droit. Elle n’obéit pas, enfin, aux règles fixées pour l’âge d’admission à la retraite.
Pour le contrôle de la Cour des Comptes, la SNG ne respecte pas les dispositions des différents textes relatifs à la passation des marchés publics et des délégations des services publics. Ceci correspond à une faute de gestion au regard des dispositions de l’article 67 alinéa 4 de la loi organique n°046 du 18 janvier 2013 sur la cour des Comptes, qui dispose, « la faute de gestion est constituée par le fait pour toute personne dans l’exercice de ses fonctions ou attribution, d’enfreindre de manière grave ou répétée les dispositions législatives ou règlementaires nationales destinées à garantir la liberté d’accès et l’égalité des candidat dans les contrats de commande publique ».
Au cours des exercices 2015 et 2016, la SNG a consacré au titre des voyages internationaux, le montant GNF 5,37 milliards. En revanche, sur la base du livre de caisse, la Cour des Comptes n’a pu reconstituer les montants qui se rapportent aux voyages et mission uniquement de la société et du fait de la confusion des comptabilités de la SNG et de la Marine Marchande.
C’est dire qu’en l’absence des pièces justificatives exhaustives et l’existence d’achats fréquents et rapprochés de billets d’avion, les paiements effectués peuvent être considérés comme indus et à cet effet, portent un préjudice financier à la société. La Cour des Comptes fait le constat qu’aucun rapport de mission n’a été fourni, sur un échantillon de seize achats de billets d’avions seuls six sont accompagnés d’ordre de missions qui d’ailleurs ne sont pas visés par les autorités devant accueillir ses missions à l’étranger, les coupons ou talons attestent l’effectivité du voyage ne sont pas fournis.
Le conseil d’administration avait également dénoncé cette pratique lors de sa 2ème session ordinaire du 4 août 2015 ou il affirme avoir constaté : « un manque de certaines pièces justificatives de voyages/missions notamment les rapports de mission ou de formation, les coupons de billets d’avion ». Ces paiements effectués peuvent être considérés comme indus et à cet effet, portent un préjudice financier à la SNG.
Si l’achat du traversier de 250 places assises en 2013, pour assurer la desserte des Îles de Loos, ce navire d’occasion de fabrication turque avait coûté GNF 5,36 milliards. Pour toute la période sous revue, les charges de fonctionnement de ce navire s’élèvent à GNF 4,63 milliards contre des charges totales de fonctionnement de GNF 219,32 milliards pour la même période (soit 2,11%). Alors que la SNG n’a enregistré aucune recette en 2013, au titre des ventes de tickets, pour les exercices 2013 à 2016.
Ce traversier effectue 3 voyages par jour. Le service commercial met à la disposition des agents des carnets à souche. Chaque carnet à souche renferme 100 tickets. Vendus à GNF 2 500 l’unité.
La pratique de reçus différés ne garantit pas la sécurisation des recettes. Toutes les tâches sont concentrées au niveau du seul service commercial : Commande des tickets, vente, contrôle et versement de recettes. Toute chose qui expose la SNG à un risque de recyclage de tickets et/ou de non versement de recettes, conduisant ainsi à une perte de recettes. Avec le maintien de cette situation, la tendance à la baisse des recettes va continuer inexorablement.
Et par lettre du 23 mai 2014, l’attribution du marché de construction de la gare maritime de Sandervalia a été notifié au représentant légal de l’attributaire du marché, en l’absence de plans de passation annuels pour les exercices 2013 à 2015, de l’avis de non objection de l’administration centrale des grands projets et marchés publics (ancienne appellation de l’ACGP) et l’approbation du ministère chargé des Finances.
Pour la Cour des Comptes, en dépit du surcroît de financement du marché des travaux, engendrés par des conditions de passation et d’exécution des travaux non appropriées, et par un montant d’avenant qui dépasse les limites fixées par le code des marchés publics, la gare maritime de Sandervalia inaugurée depuis le 8 octobre 2015, n’était pas rendue opérationnelle.
Les juges de la Cour des Comptes insistent que le projet de construction de la gare maritime de Sandervalia initialement évalué à GNF 16,93 milliards pour un délai d’exécution de 7 mois, est toujours en cours de réalisation à travers un contrat d’avenant de GNF 6,18 milliards et un 3èmecontrat des travaux pour le prolongement de la gare maritime de Sandervalia d’un montant TTC GNF 16,16 milliards. Soit un coût cumulé de GNF 39,28 milliards, pour le même projet inachevé au moment de la revue par la Cour des Comptes.
En ce qui concerne le port de Kagbélen, en 2015, la SNG a conclu trois contrats concernant trois lots d’aménagement. Primo, la construction du bloc administratif, hangar de repos, toilettes et guérite pour un TTC GNF 4,37 milliards (contrat du 21 décembre 2015). Secundo la construction de la station-service avec le garage d’entretien et baie de lavage pour un montant TTC GNF 2,90 milliards (contrat du 21 décembre 2015). Tertio l’aménagement de voirie et réseaux divers pour un TTC de GNF 6,06 milliards (contrat du 21 décembre 2015).
Aux yeux des juges de la Cour des Comptes, tous ces marchés de travaux ont été signés le même jour. Alors que le grand livre des comptes mentionne un total de GNF 13,35 milliards concernant les travaux d’aménagement du port sec en 2015, le cumul des montants contractuels donne un total de GNF 13,34 milliards.
Il faut noter que parmi les débiteurs de la SNG, la CBG (Compagnie des Bauxites de Guinée) reste devoir une importante somme dont le recouvrement est compromis depuis 2011. En 2016, la répartition des créances sur la clientèle indique que la CBG est débitrice de GNF 88,81 milliards sur un solde total de la balance qui s’élève à GNF 124,33 milliards, soit 71,43% de toutes les créances sur la clientèle de la SNG. Rappelons que la CBG est une société anonyme dans laquelle l’État guinéen est actionnaire à 49%.
Il existe une clé de répartition des redevances amatoriales payées par les armateurs ou leurs consignataires entre la SNG (90% à Conakry et 20% à Kamsar) et la direction nationale de la Marine Marchande (10% à Conakry et 80% à Kamsar) conformément à l’arrêté de 2011.
Le shipping royalty devant être perçu au port de Kamsar est facturé par la SNG mais son recouvrement est fait par l’ANAIM (Agence nationale d’aménagement des infrastructures minières) depuis février 2011. Du point de vue juridique, l’ANAIM n’existait plus si on s’en tient à l’arrêté A/2010/2233/MMG du 16 juin 2010, portant remplacement de l’Agence Nationale d’Aménagement des Infrastructures Minières par la société nationale des infrastructures minières (SNIM).
En effet, les armateurs paient la redevance sur le compte du Fonds d’Amortissement du port de Kamsar à Pittsburg (USA) qui est un compte appartenant à l’ANAIM dont l’ordonnateur principal est le directeur général (également un autre Cissé) de l’ANAIM. La Cour des Comptes n’a pas contrôlé la régularité de ces mouvements de fonds sur ce compte à Pittsburg.
Cependant, la Cour des Comptes note que les montants dus à la SNG et au Fonds maritime régional géré par la DNMM (direction nationale de la marine marchande) sont indument bloqués par l’ANAIM. A l’époque, le litige entre la CBG, l’ANAIM et la SNG n’était pas réglé. Or l’ANAIM perçoit les paiements du shipping royalty du port de Kamsar, mais elle refuse de restituer à la SNG, les montants correspondants selon la SNG.
Depuis mars 2011, les redevances maritimes (shipping royalties) facturées par la SNG et payées par les armateurs qui fréquentent le port de Kamsar sont retenues par la direction générale de l’ANAIM. A cette période, le manque à gagner dans la comptabilité de la société était de plus USD 14,5 millions.
Dans son paquet de recommandations, la Cour des Comptes espère une mise en conformité des statuts de l’entreprise avec la loi n°075 portant gouvernance financière des sociétés et établissements publics, en ce qui concerne la direction générale et le conseil d’administration de la SNG, l’amélioration de la composition de la commission d’inventaire du patrimoine en fin d’exercice.
Pour la sécurité juridique et financière des décisions de la direction générale la SNG, la Cour des Comptes insiste sur la mise en place et le fonctionnement effectif des Comités et commissions de travail prévus par les manuels de procédures. Mais aussi la recomposition du conseil d’administration en ce qui concerne la compétence de l’autorité de nomination, le mandat du conseil d’administration et le choix du président du conseil d’administration.

