Le tonneau des Danaïdes
Parmi les réformes mises en œuvre par le colonel Mamadi Doumbouya, il y a la création de la société nationale des pétroles (Sonap). Un acte qui a entraîné de facto la mise à mort de la Sonip et de l’Onap. Deux entités qui, auparavant avaient à charge de régenter le secteur pétrolier guinéen. Secteur névralgique par excellence pour la Guinée, dont le gouvernement consent mensuellement près de $80 millions de dollars dans les importations de l’or noir. Du carburant subventionné à coup de milliards de nos francs, dont profiteraient certains ressortissants des pays voisins, notamment le Mali. Par le biais d’un trafic bien huilé, qui échappe malheureusement à toute vigilance. Comment endiguer ce siphonage du précieux liquide ?
Cet acte entre dans le cadre de la mise en œuvre de la politique du gouvernement dans le secteur pétrolier. C’est ainsi que le président de la junte au pouvoir, Mamadi Doumbouya a signé le décret n°0170 du 3 décembre 2021, portant création et statuts de la société nationale des pétroles (Sonap), détentrice d’un capital social d’1 milliards GNF. Sur ce, la Sonap remplace les structures en charge du secteur comme la Société Nationale d’importation des pétroles (Sonip) et l’Office National des Pétroles (Onap).
En amont, la Sonap est, entre autres, chargée de promouvoir des activités de recherche et d’exploitation des hydrocarbures, gérer les appels d’offres et les négociations directes relatifs aux contrats pétroliers en conformité avec les dispositions du Code pétrolier, d’examiner les programmes de travaux, les plans de développement, de production ou de réhabilitation des sites, ainsi que les budgets correspondants soumis au gouvernement par les détenteurs des droits pétroliers, afin de réaliser pour le compte de l’État, les travaux géologiques et géophysiques.
En aval, la Sonap a la compétence d’élaborer mensuellement la structure des prix du carburant, prérogatives, autrefois dévolues au Comité paritaire des prix des produits pétroliers, tenir la caisse de stabilisation, coordonner la lutte contre les activités frauduleuses dans le secteur pétrolier et la contrebande transfrontalière en relation avec les services compétents de l’État, importer et vendre des produits pétroliers et dérivés aux sociétés de distribution, aux projets et secteurs stratégiques de l’État et prendre des participations dans des projets de construction de raffineries de pétroles et autres installations pétrolières/gazières.
En plus et pour la réalisation de son objet social, l’État accorde à la Sonap qui est sous la tutelle de la présidence de la République, le monopole du droit guinéen d’importation des produits pétroliers et dérivés.
La création de la Sonap est intervenue presqu’au même mois, que la signature par le ministre de l’Economie et des finances et du plan de l’instruction portant réajustement des droits et taxes liquidés, suivant le régime TTC (toutes taxes comprises) et afférents à la mise en consommation des produits pétroliers (essence, gasoil, pétrole) pour compter du 1er janvier 2022.
Ces ajustements de droits seront effectués sur le montant de la Taxe spéciale sur les produits pétroliers (TSPP) et des autres droits et taxes calculés sur chaque litre de produits pétroliers sorti sous le régime TTC (marché TTC réseau et marché TTC hors réseau). Ainsi la TSPP par litre d’essence a été portée à -250 GNF, le Gasoil à -150 GNF et le Pétrole à 63,5 soit un prix de livraison de 10000 GNF le litre. Le marché exonéré et soutes locales enlève le litre à 10500 GNF, le marché minier 10900 GNF, les ambassades 8700 GNF pour l’essence contre 9000 GNF le litre du pétrole, le soutage international à 8400 GNF le litre, EDG (électricité de Guinée se procure le litre à 9200 GNF et la société des eaux de Guinée (SEG) à 9300 GNF.
La direction générale des douanes exclusivement, la direction générale des impôts, la direction générale de la Société nationale de pétroles et les sociétés pétrolières sont chargées de l’application correcte de cette instruction ministérielle.
Il faut considérer à travers cette mesure que la contrebande a été partiellement légalisée sous un label de coulage, en faveur des opérateurs économiques étrangers, utilisateurs du port autonome de Conakry et de l’aéroport International Ahmed Sékou Touré de Conakry (Maliens et Sierra léonais), qui profitent de la théorie des avantages comparatifs des prix des produits pétroliers. Ces avantages sont surtout consécutifs à l’abandon par l’État guinéen d’un montant situé entre 1000 à 2000 GNF par litre livré à la pompe (à présent le baril frôle les $ 88 dans certains européens).
Une source concernée par les transactions pétrolières dans le pays a révélé que la Guinée consomme en moyenne 1 million de litres de produits pétroliers par mois. Il ne serait pas exagéré, ajoute cette source, de considérer qu’un pays qui débourse mensuellement pour l’importation de ces produits, entre $70 millions à $85 millions, subventionne illégitimement, une partie de la consommation étrangère. Ce qui exige la sortie massive de devises du pays, facteur de fragilité pour les maigres réserves de l’État.
Une source gouvernementale apprend qu’en septembre 2021, la subvention était de 150 milliards GNF. Ce qui constitue une perte en trésorerie pour la douane et les impôts. Et selon une source documentaire, la capacité de mobilisation des recettes par la douane nationale serait largement affectée comme l'illustre ce document infra.
En effet, pour le mois de janvier 2022 par exemple, au titre des versements attendus par la rubrique C1 de 208,67 milliards GNF, on note un taux de réalisation de 52,96% (soit une contreperformance notoire) et que sur un total attendu en janvier 2022 en hors CTSS, la prévision initiale de la douane de 443,65 milliards GNF ne s'est pas non plus, conclue pas en succès.
Ensuite, au 20 janvier 2022, un compte bancaire de la douane affichait un solde de 344,95 milliards GNF sur une prévision globale de 959,69 milliards GNF. En terme simple, l’encaissement du mois de janvier au titre de D1 a été de 344,78 milliards GNF soit un taux de réalisation de 49,26%. Malheureusement pour ce même mois de janvier-là, la subvention du carburant a été de 154,34 milliards GNF.

