Projet de minerai de fer de Simandou, le piège se referme

Les négociations relatives à la conclusion d’un accord cadre global devant gouverner la mise en œuvre du projet de minerai de fer de Simandou tardent à aboutir à cause d’un facteur principal : La lenteur assimilable à un refus, des compagnies minières Rio Tinto, Baowu steel Group (BAO), Chinalco et Winning Consortium Simandou à produire, à l’attention du gouvernement de Mamadi Doumbouya, des lettres de garantie dans le financement du calendrier du projet. 

Pour une fois « les différents partenaires privés internationaux impliqués sont d’accord de ne pas satisfaire à cette exigence de Mamadi Doumbouya ».  

Parce qu’au dire d’une source proche à ces partenaires internationaux « l’administration du président Mamadi Doumbouya n’a pas encore, offert des garanties suffisantes aux investisseurs du projet en déclarant lors de la cérémonie de relance des travaux du projet Simandou, le 18 mars 2023 que si le projet ne se réalisait pas comme convenu, l’État le reprendrait ». 

Car il est évident, dit une source qui participe aux négociations, « il y aura du retard dans les modalités d’exécution du projet. Qui sera dû au fait que le calendrier imposé par le gouvernement n’est pas technique mais d’orientation politique. Alors dans ce cas de figure, il faudrait que collectivement, chaque partie prenante assume ses responsabilités ». 

Pourtant après le séjour en Chine sur invitation de China Baowu Steel Group, d’une mission gouvernementale conduite par le ministre de l’Économie et des Finances, Moussa Cissé du 11 au 22 janvier 2023, les conseillers des parties prenantes au projet se préparaient à la réouverture des nouvelles sessions de travail, à Conakry, à partir du 8 février. Il s’agirait des négociations des termes de l’accord cadre global qui selon une source gouvernementale, seront supervisées par le cabinet du président de la Junte Mamdadi Doumbouya à travers son ministre Directeur de Cabinet Djiba Diakité. 

Ainsi, un membre de la délégation croit savoir que « ce séjour a surtout permis de réconcilier les Présidents Mamadi Doumbouya à Xi Jinping. Ce qui permettra d’ailleurs, au décaissement de la seconde tranche de l’accord de prêt de 20 milliards de dollars signé en septembre 2017 entre la Guinée et la Chine. Cet accord-là est garanti par des revenus miniers issus des exploitations réalisées par certaines compagnies minières chinoises, notamment dans la filière bauxite-alumine ». 

Pour une source administrative, afin de faciliter les travaux en perspective, le ministre des Mines et de la Géologie Moussa Magassouba, qui n’a pas fait le déplacement pour la Chine « ne comprenant pas bien les enjeux du moment, sera un peu écarté des prochaines négociations sur le Simandou » parce que « cette mission en Chine a été utile en ce sens qu’il ait permis au gouvernement chinois de faire comprendre que Conakry n’est pas anti-chinois » et pour convaincre, le régime chinois « Doumbouya a repris en mains les négociations » et conséquemment « le ministre des Mines Magassouba sera en retrait de celles-ci ». 

La réussite de ces négociations représente également un défi pour Madame Aminata Koïta, la nouvelle ambassadrice de la Guinée « qui a obtenu une rencontre initialement imprévue entre la mission et M. Deng Li, le Vice-Ministre chinois des Affaires étrangères ». 

En contrepartie M. Djiba Diakité a, tout en restant ferme sur les principes, fait preuve d’une grande écoute et a offert des garanties aux autorités chinoises qui ont accepté de faire du projet Simandou une priorité.  

D'après notre source, « Djiba a fait bonne impression auprès des institutions chinoises et il sera désormais leur porte d’entrée en Guinée. Ces autorités ont accepté de tout faire pour que l’accord cadre global soit conclu au plus tard le 28 février 2023 suivi de la fin de la construction des infrastructures et leur mise en exploitation en 2024 ». Cet accord cadre global n’est toujours pas effectivement établi. 

Par ailleurs, selon une source gouvernementale « les gouvernements chinois et guinéens ont accepté que les contrats d’achat du minerai de fer de Simandou par le China Baowu Steel Group qui servent de garantie au financement du projet Simandou ». Ces droits d’achat pourraient être étendus à tous les 4 blocs de Simandou. 

Pour une source technique, China Baowu Stell Group détiendrait 20% de Simfer Jersey et au total les intérêts chinois (Chinalco, Baowu, CRCC et CHEC) seraient de 47% dans Simfer/Rio Tinto. Et Baowu devrait acquérir un total de 51% de WCS. Ceci explique sa position dominante. 

Alors que pour une source proche de Rio Tinto, « ces nouvelles négociations concernent davantage le groupe WCS qui avait entamé des travaux de construction du chemin. Ensuite les accords internes partiels indiquent que WCS va continuer les travaux de construction du chemin de fer principal et du port. A son tour, Rio Tinto ne fera que construire un chemin de fer reliant sa mine à celle de WCS. Maintenant que « Rio Tinto est plus préoccupée par les travaux de forage en vue de la préparation de la mise en exploitation de sa mine, il y a aussi les travaux sur l’implantation des bases vie pour la commodité des travailleurs ». 

Au sens d’un soutien local de WCS « ces nouvelles négociations permettront une reprise sécurisée des activités de réalisation des infrastructures sous la dynamique du China Baowu Steel Group. C’est grâce à WCS que Baowu ait accepté d’intensifier sa présence dans le projet Simandou. En lui offrant une nouvelle acquisition des parts dans le projet des blocs 1 et 2 ». 

Une source indique que l’intensité des négociations a empêché le président du conseil d’administration, M.Bouna Sylla (la bibliothèque du projet) de se rendre au Cap Town pour participer aux assises de Indaba Show. Parce qu’« il doit souvent arbitrer entre les parties pendant ces houleuses négociations. Parce que la présidence de la République souhaite qu’un accord cadre global soit rapidement conclu ». 

De son coté, un promoteur des intérêts chinois en Guinée a estimé qu’il ne viendrait aux négociations qui se déroulent simultanément à la Présidence et dans un l’hôtel de Conakry, que « s’il y avait un éventuel blocage » mais à défaut « je laisse les conseils aller au charbon », a-t-il confié. 

D'après une source qui a travaillé sur le dossier, il est indispensable de voir jusqu’à quel point l’accord transactionnel d’avril 2011 a absou le groupe Rio Tinto de toutes fautes antérieures à son établissement comme valeur de la chose jugée. Car les autorités guinéennes actuelles sont en train de se faire piéger, dans leurs négociations avec ces parties prenantes internationales.  En mettant toutes les cartes favorables entre les mains des négociateurs du groupe Rio Tinto et les Chinois à savoir WCS et China Baowu Stell Group, ces entités semblent avoir décidé que « seul Baowu est assez fort pour parler directement au gouvernement ». Ce qui permet à cette source de conclure qu’«ainsi, ils laissent Rio Tinto négocier sur ses propres plans d’abord avant de s’exprimer sur les leurs. Or les intérêts de Rio Tinto sont contraires à ceux de la Guinée et de Winning Consortium Simandou ».  

Et si la Guinée finissait par comprendre cela, « le colonel Doumbouya ne manquerait pas de se fâcher contre Rio Tinto pour l’avoir manipulé ». A ce moment-là, peut-être, les autorités guinéennes chercheront une solution pour contraindre Rio Tinto à intégrer l’ensemble des préoccupations des parties impliquées. Et de certifier « la clé d’une telle alternative pourrait se trouver dans les termes de cet accord transactionnel de 2011 ». 

A en croire un collaborateur du cabinet présidentiel, « les Chinois ne signeront jamais cet accord cadre global si certaines conditions ne sont pas remplies. Et Rio Tinto, sachant cela, pousse la Guinée à travers ses taupes locales, à refuser de remplir ces conditions. Par ailleurs, le ministère des Mines et de la Géologie, « par paresse, avarice ou ignorance », semble vouloir prendre pour argent comptant des rapports établis par des consultants de Rio Tinto, au frais de celle-ci et comme tel, « le piège est complet ». 

Pour une autre source locale, c'est possible que les conseillers des parties prenantes internationales se soient retirés des négociations stratégiques depuis mars 2023, pour consultations avec les mandants, « parce que quand on était sur les travaux, il n'y avait pas mal de questions qui étaient posées surtout sur les hypothèses utilisées, pour faire les calculs de revenus ». Alors que « nous étions dans l’obligation initiale de signer l’accord cadre global, le 24 février 2023(proposition de plan de travail et de calendrier de négociation, pour la mise en œuvre du projet du 15 février) contrainte qui avait été reportée au plus tard le 28 Février 2023 ». 

Par ailleurs, comprenant la difficulté d’atteinte de cet accord cadre global et « qu’en mars, par peur d’une astreinte physique de la part de la junte », une source locale pertinente a confié ceci : « Compte tenu des malentendus notoires la direction de Rio Tinto vient de compléter une procédure d’attribution des autorisations de survol auprès de l’agence nationale de navigation aérienne, pour éviter que la junte exerce une contrainte de corps à certains des conseillers présents aux négociations ». 

Au dire de cette source, il est indispensable « à l'entame des prochaines réunions de négociations, que soit démontrée la fiabilité de tous les modèles économiques et financiers de Rio Tinto qui semblent être basés uniquement sur les études de faisabilité du seul bloc 3 du mont Simandou. L'autre question qui doit brûler les lèvres est pourquoi Rio Tinto ne cumule pas les études sur les blocs 3 et 4, afin d’en faire un projet financier intégré de tous les deux blocs de son projet ? » 

Une des sources révèle que lors d’une des réunions ténues en mars dans un hôtel à Conakry, les discussions ont confirmé que les études techniques soumises étaient basées uniquement sur le bloc 3. 

Les quantités qui doivent être exportées pour les dix années étaient estimées à 60 millions de tonnes de fer par an.  Rio Tinto a estimé que pendant la période de croissance, pour atteindre les 60 millions de tonnes, certaines taxes et royalties ne doivent pas être payées avant le tonnage maximal de 60 millions de tonnes.  

L’État quant à lui estime que dès la première production commerciale, il faudrait que Rio Tinto paye certaines redevances à l’État. Et au dire de cette source « les discussions étaient tendues à ce niveau. Les modèles financiers présentés par Rio Tinto étaient basés sur deux teneurs en alumine, les plus élevées pour en tirer une moyenne pondérée du prix qui est entre 85 et 90 dollars par tonne métrique. Alors que le minerai de fer de simandou est un minerai de haute classe appelé DSO (Direct Ship Ore). Un minerai avec une concentration de près de 68% par endroit.   

Ainsi, il aurait fallu que les experts de la présidence exigent la remise pour examen approfondi de tous les modèles financiers avec leurs mathématiques pour le calcul de revenus et pour chaque partie prenante au projet. 

Une source avait annoncé la possibilité de signature de cet accord cadre global entre les parties dans la nuit du 6 au 7 mars 2023, avant de reconnaître plus tard que « des difficultés de dernière minute « ont obligé au report de cette signature ». Mais depuis l’accord n’est toujours pas signé, du moins à notre connaissance.